Le jour où j’ai fait les poubelles

Mise à jour 18/01/2017 : toutes les 40 bornes sont maintenant localisées

Il y a quelques jours, des bornes de tri de déchets ont été installées au bout de ma rue. Le projet s’appelle Trilib’ et je dois dire qu’en tant que parisien, il m’enthousiasme sincèrement.

Tout d’abord, la plupart des bornes sont positionnées sur la chaussée et non pas sur le trottoir, ce qui libère de l’espace pour les piétons. Ensuite, chaque borne est bien pensée : pratique (avec son système d’ouverture avec le pied) et complète (tous les déchets sont centralisés à un endroit facilement repérable).

J’ai reçu un flyer par la Poste et j’ai remarqué qu’une borne n’était pas positionnée exactement au bon endroit.

La position réelle de la borne est indiquée en rouge

Après avoir constaté cette approximation de quelques mètres, toute personne saine d’esprit aurait jeté le flyer et aurait continué sa vie comme si de rien n’était. Mais je ne suis pas ce genre de personne.

Intéressons-nous aux data

Créer un flyer est un boulot de graphiste : il est donc normal que la borne ne soit pas exactement bien positionnée. J’ai donc cherché les données sur lesquelles le graphiste s’était basé et suis tombé sur le site officiel : trilib.fr

Les bornes Trilib’ sont bien affichées sur une carte, mais à des endroits différents du flyer.
Ma borne est maintenant positionnée DANS un bâtiment !

Après une petite investigation, je constate que les données sont toutes géocodées via l’API Google Maps pour être positionnées à une adresse. Ce n’est donc pas l’endroit précis où la borne est située qui est fournie mais une adresse postale. Le résultat est évidemment plus ou moins heureux selon les cas : certaines bornes sont carrément positionnées au milieu d’un pâté de maison.

Mon sang ne fait qu’un tour. A date, il y a 40 bornes dans Paris ; je ferai donc une petite balade pour les localiser moi-même.

Mon but est de créer une carte interactive indiquant la géolocalisation précise des bornes et leurs caractéristiques individuelles.

Le jour où j’ai fait les poubelles

J’ai donc pris mes plus belles baskets, mon smartphone, et j’ai photographié toutes les bornes Trilib’ de Paris. Cela m’a pris environ une journée en temps cumulé.

Voici comment j’ai procédé.

1. Préparation

Tout d’abord, j’ai téléchargé la localisation approximative des bornes fournies sur le site officiel et je l’ai importée dans une application mobile permettant d’optimiser ma petite balade sur le terrain.

La gestion des tournées est un métier, et c’est celui de Mapotempo. En utilisant leur excellente appli mobile, j’ai facilement importé les données et j’ai planifié mes sorties.

J’aurais pu prendre le temps de configurer précisément ma tournée, mais ce n’était pas nécessaire : les 5 minutes que j’y ai passées m’ont suffit pour obtenir un résultat satisfaisant.

2. Collecte terrain

Je commence donc ma tournée par le quartier des Grands Boulevards.

Après avoir cherché en vain 3 bornes, je me rends à l’évidence : les poubelles ne sont pas encore installées dans ce quartier.

J’ai été plus chanceux pour les autres quartiers. Sur les 40 bornes annoncées, j’en ai donc photographiées 33.

3. Publication des photos

Par la suite, j’ai publié ces photos dans Mapillary.
> Filtrer uniquement les photos publiées par l’utilisateur overflorian entre le 21 et le 31 décembre à Paris.

4. Un petit référentiel au passage

L’étape suivante a été de créer un référentiel des données afin de décrire ces bornes au mieux dans OpenStreetMap.
Cela n’a pas été difficile, étant donné que les bornes de recyclage sont déjà décrites depuis longtemps.

Le résultat est publié à l’adresse https://wiki.openstreetmap.org/wiki/WikiProject_France/FR:Trilib

5. Créer les données dans OpenStreetMap

Une fois ce référentiel défini, j’ai positionné les bornes dans OpenStreetMap en m’aidant des photos Mapillary (via le plugin JOSM dédié).
J’ai créé un point qui représente le milieu de la borne. En contrôlant la position avec la trace GPS, les photos, l’imagerie aérienne ainsi que les éléments déjà existants, j’estime être parvenu à une précision de 2 mètres.

J’ai ensuite rajouté les détails associés à chaque borne, tel que décrit dans le référentiel.

Les données créées sont consultables à l’adresse http://overpass-turbo.eu/s/kXI
> Cliquer sur « exécuter » pour charger les données OpenStreetMap. Puis cliquer sur un point sur la carte pour afficher ses détails.

Je dispose donc maintenant des photos et des données : le boulot est presque terminé.

6. Créer la carte interactive

Il ne me reste plus qu’à créer la carte interactive, ce que j’ai fait grâce à l’excellent Map Contrib.

Le résultat final est consultable à l’adresse trilib.rudomap.xyz

> Cliquer sur une borne pour voir sa photo.

7. Donner un peu de visibilité

Quelle est l’utilité de collecter ces données si personne ne les exploitent ?
Afin de diffuser le résultat au plus grand nombre, les données sont publiées à l’adresse https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/bornes-trilib
Le jeu de données est configuré pour se mettre à jour automatiquement depuis OpenStreetMap de manière régulière. Si de nouvelles bornes sont créées, elles seront donc importées automatiquement.

Et demain ?

Eco-Emballages a annoncé la publication des données liées à leurs bornes d’ici peu. J’espère à cette occasion obtenir plus de détails à rajouter dans OpenStreetMap.
Il y a notamment un détail qui m’a chagriné : je n’ai pas trouvé de numéro de référence sur les bornes.
Il est souvent indiqué sur le mobilier urbain.

Je me demande donc de quelle manière les bornes sont identifiées de manière unique.

Par ailleurs, des capteurs ont été installés dans tous les bacs (sauf pour les gros cartons) pour mesurer l’état de remplissage.

Tiens @EcoEmballagesSA dit vrai, j’ai trouvé des capteurs dans l’engin ! @opendataParis @OSM_FR pic.twitter.com/5pQ0uF7rCF

— Florian Lainez (@overflorian) December 22, 2016

C’est une excellente initiative ! J’espère maintenant qu’Eco-Emballages fournira des outils véritablement ouverts pour suivre l’état relevé par ses capteurs.

Bien entendu, une API ouverte et gratuite pour tous serait idéale. Cela permettrait de nourrir des projets d’innovation ouverte et de rendre concret la co-création de valeur entre un acteur privé, son commanditaire public et les citoyens.

La Smart City doit être construite avec le citoyen

En publiant des données avant qu’elles ne soient officiellement disponibles, j’espère avoir souligné l’importance qu’elles revêtent pour des acteurs externes à cette prestation, et notamment la société civile.

Nous souhaitons avoir maintenant accès à des données de qualité, qui permettent la création de nouveaux usages.

Par exemple, une localisation précise à 2 mètres permet du routing routier mais aussi du routing piéton (les Personnes à Mobilité Réduite vous remercieront).

Une API ouverte permet quant à elle de créer des mashups avec d’autres services.

Ces nouveaux usages, le gestionnaire de projet n’y avait bien souvent pas pensé lui-même. Cette approche qui se base sur de la donnée de qualité partagée est aujourd’hui indispensable pour les projets Smart City comme celui-ci.
Je passe donc un message ouvert aux chefs de projets Data et à leurs commanditaires :

La donnée ne doit plus être gérée en fin de projet par une agence de communication, mais être bel et bien intégrée au cœur de la stratégie.

Je me fais ici le relais de Gaël Musquet et invite les différents acteurs à une ouverture réelle et sincère, seule garante d’un véritable succès d’une stratégie d’Open Innovation (comprise dans sa définition la plus noble) .

Merci à Isa, Fred, Guillaume et Vincent pour leur aide sur ce projet

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